autres.ment

20 décembre 2005

Doc Gynéco dé-rap-age

Doc gynéco : solitaire pas solidaire... lundi 23 septembre 2002 par Isabelle Alonso

Le mardi 17 septembre, à la télévision, sur France 2, chaine publique, enregistrement à l’heure du déjeûner de l’émission " On a tout essayé ". Nous recevons Doc Gynéco, rappeur bien connu, qui sort un album, dont le titre est : " Solitaire ".

Par l'ex Présidente des chiennes de garde :

La veille, j’ai reçu le dossier de presse qui permet aux chroniqueurs et chroniqueuses, dont je fais partie, de préparer les remarques ou les questions aux invités. Dans ce dossier figure une interview croisée de Doc Gynéco et Clémentine Autain (ancienne présidente de Mix Cité), interview que j’avais lue au moment de sa parution dans un Nouvel Obs d’il y a deux ans. Entre autres propos d’un sexisme prétendument plein de distance et de second degré, Doc Gynéco répondait à Clémentine, au sujet des viols collectifs dans les caves : " Tu ne peux pas comprendre que des mecs fourrent des meufs dans des caves, mais ça dépend de quelles caves tu parles. Certaines sont aménagées, tu serais heureuse... "

Comme j’en ai l’habitude, je vais recueillir d’autres infos sur le web. Pour un auteur compositeur, je me réfère volontiers aux paroles de chansons. Ce sont des paroles déposées, chantées, des paroles indéniables, non retranscrites par une plume journaliste éventuellement traîtresse. C’est un bon outil de travail pour moi.
La chanson " Ma salope à moi " attire mon attention. C’est une déclaration d’amour à une " tasspé " (pour les non-bilingues, tasspé signifie pétasse en verlan. Pétasse, déformation de pute, signifie, par extension, une fille...). Dans " ma salope à moi ", cet extrait :

" On peut trouver l’amour sur la rue Clignancourt
Mais si t’es camionneur, attends ton tour
Si ça te fait flipper d’aimer une tasspé
Tu peux l’échanger, la faire tourner... "
Et il ajoute :
" Mais tu seras bouté, faut respecter, ié ié ié,
Même les tasspé font des bébés, ié ié... "

L’idée c’est qu’on doit respecter même la dernière des " salopes " et pourquoi ?
Parce qu’elles font des bébés ! En ce qui concerne celles qui n’en font pas, des bébés, Doc Gynéco ne donne pas de consignes. Que le droit au respect passe encore, pour les femmes, par la maternité, met Doc Gynéco au diapason des idéologies les plus réactionnaires et misogynes. Je me retrouve donc face à Doc Gynéco, qui est venu faire sa promo. Il est venu pour ça et pour rien d’autre.
Le rap est un mouvement musical qui n’a rien de récent. Il prend ses racines aux Etats Unis ou les Afro-Américains s’affrontaient traditionnellement, depuis des siècles, dans des joutes oratoires issues des traditions orales africaines. Le rap chante la révolte du Noir face à la société blanche, colonialiste, esclavagiste, raciste. Il est aujourd’hui à la mode au point d’avoir inspiré des groupes français. On ne peut qu’être frappé par la coexistence au seindu rap entre la subversion de la révolte contre l’ordre établi par les Blancs et le conservatisme le plus réactionnaire et le plus virulent à l’encontre des femmes. Comme si les rappeurs étaient tombés d’eux mêmes dans le piège tendu par l’idéologie raciste des blancs qui ne voient dans les mâles Noirs que des maquereaux obsédés par le sexe.
En voyant les clips américains et leurs pâles copies franchouillardes, on a la sensation que certains rappeurs se sentent valorisés par cette symbolique de super baiseurs- grosse teub- nanas à genoux, déclinée de manière systématique et caricaturale par l’image de bande de mecs habillés jusqu’aux sourcils et entourés d’une ribambelle de filles en string tortillant du bassin à deux centimètres de l’objectif.... Un peu comme certaines filles se sentent valorisées par une image de bimbo écervelée qui les enferme dans les limites de ce que l’ordre dominant voit en elles.
Certes, les rappeurs n’ont pas inventé la violence. Certes, les rappeurs n’ont pas inventé le viol, pas plus qu’ils n’en ont inventé la forme la plus abjecte, le viol collectif. Mais les rappeurs le chantent, ils parlent du viol collectif. Doc gynéco en parle dans sa chanson. En parler sans le dénoncer, c’est le légitimer comme une pratique normale. Or le viol est un crime. Ce matin là, dans les journaux, on parle du procès d’une vingtaine de jeunes hommes qui ont violé collectivement et à plusieurs reprises une fille de quinze ans, à Argenteuil, banlieue parisienne. A aucun moment ils n’ont exprimé quelque regret que ce soit. Ils ne se sentent pas coupables.
Parce que je n’ai pas d’antipathie personnelle pour Doc Gynéco, parce que je suis dans une émission de divertissement, et parce que je pense qu’il est vital d’être pédagogique sur ce genre de question, je décide d’être modérée dans mes propos, et de tenter de mettre le chanteur de notre côté. Je fais donc appel à ses qualités humaines.

Je lui tiens donc, à peu près, les propos suivants :
" Je m’adresse non pas à Doc Gynéco, je trouve naze cette façon de vous approprier, par ce nom, un univers ou vous n’avez rien à faire, mais à Bruno Beausir, la personne qui se cache derrière le pseudo, et dont je pense qu’elle a une conscience.
Vous avez chanté pour célébrer l’abolition de l’esclavage. J’en déduis que l’injustice vous révolte. Or vous avez chanté aussi des textes qui expriment la violence contre les femmes. Dans notre pays, quand on tient des propos racistes, on va en prison. Mais quand on tient des propos sexistes, on vend des millions d’albums. Vous avez, vous le savez, une énorme influence sur les jeunes qui écoutent votre musique. Puis je vous demander de récuser les textes que vous avez chantés il y a quelques années ? Puis je vous demander d’exprimer votre solidarité avec les filles violées ? "
Doc Gynéco me regarde. Et me dit que j’ai mal compris sa chanson, que ça n’a rien à voir. J’insiste.
" En ce moment, il y a le procès de vingt mecs qui ont violé une fille de quinze ans. Quinze ans ! Puis je vous demander d’exprimer votre solidarité avec elle ? Votre parole sera entendue plus que d’autres..."
Il me semble à ce moment que je lui offre la possibilité, à peu de frais, de jouer le beau rôle du rappeur au grand cœur. Ce n’était pas bien compliqué. Mais il me répète que je n’ai rien compris. Je lui dis que la barbarie, c’est pas seulement ailleurs ou y’a longtemps. C’est aussi ici et aujourd’hui. Et c’est important de le dire.
On passe à autre chose. L’émission se termine. Je suis contente d’avoir gardé mon calme, d’avoir fait appel, même sans succès, à son sens de la solidarité. Bruno Beausir pourrait, s’il le voulait, contribuer à combattre la violence qu’il a lui même chantée. Ne pas le faire, c’est de la non assistance à personne en danger. Je le lui dis hors caméra. Il me dit qu’il va m’appeler.
Juste après l’émission, on (la production) vient me trouver pour m’annoncer que tout ce que j’ai dit sera coupé. Parce qu’autrement, Doc Gynéco refuse de signer l’autorisation de diffusion. Il faut savoir qu’on ne peut pas diffuser des images de quelqu’un contre son gré. Quand un quidam est invité, il signe l’autorisation avant l’enregistrement. Quand c’est une star, elle signe après. Ou ne signe pas. Dans ce cas, ç’aurait été un quart d’émission en moins, comprenant la fin et le générique de fin. Impossible. Personne n’a donc vu cet échange, que je vous retranscris de mémoire. On me dit que je suis trop militante, que je mélange tout. Dans certaines bouches, le mot " militant " sonne comme une insulte.

La petite Leïla, quinze ans au moment ou elle fut violée, connaît malheureusement de très près la loi du patriarcat.
Qu’elle sache aussi qu’un rappeur en promo n’a pas d’états d’âme et pas de temps à perdre.
Je pense à Leïla. Il y a des jours ou j’ai envie de vomir.

3 Comments:

At mercredi, 28 décembre, 2005, Anonymous Anonyme said...

Son refus de répondre, de se défendre, d'être solidaire de cette jeune file et sa volonté de ne pas faire diffuser ves images, sont comme une confession, un aveu: le pauvre petit a peur pour son image de marque. Mais quand on a un discours de connard au moins on assume ou si on regrette, on le dit. Les troubles cognitifs liés à l'abus de certaines substances n'excusent pas tout (lol).

 
At vendredi, 30 décembre, 2005, Blogger Administratrice clé said...

D'accord avec toi Jisee.
En fait, comme nom, il aurait du choisir misogyne plutôt que gynéco .
Mister Hide se découvre dans des allures de Doc pervers que comme un Doc soignant.

 
At lundi, 02 janvier, 2006, Anonymous Anonyme said...

MDR , voici quelques petites réactions sur le site de psychoparis 7 à propos de l'article:
http://www.psychoparis7.net/forumphpbb/ftopic2042.php

 

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