autres.ment

01 janvier 2006

Sans toit, je meurs !

Voici le témoignage envoyé par Jean-Pierre bastid, écrivain et cinéaste de 68 ans, qui s'est retrouvé à l'hôpital une côte cassée, la paupière gauche recousue, avec une fractures du nez et de multiples contusions....
Participant depuis longtemps au soutien des sans-papiers, il était présent au début des expulsions de Montreuil (10 octobre dernier).
Né en 1937, Jean-Pierre Bastid, qui fut l'assistant de Jean Cocteau sur "Le Testament d'Orphée" et de Nicholas Ray (réalisateur de "Hot Blood", Rebel Without a Cause"...), est à la fois réalisateur de cinéma et de télévision, scénariste et écrivain.

Témoignage de Jean-Pierre bastid :
"Notre tour viendra, notre tour est venu !
En 1942, la police de Vichy avait commencé à s’en prendre aux Juifs. Puis vint le tour des communistes, des socialistes, des francs-maçons et de ceux qui les hébergeaient. Bientôt presque toute la population française fut sous contrôle. C’était compter sans la Résistance, mais la Résistance, on s’en foutait. Et pourtant… La Résistance, les camps, la déportation sont devenus pour certains de vieilles lunes.
Certains en rigolent aujourd’hui, sans se rendre compte que la France de M. Sarkozy risque de prendre la relève de celle de M. Papon.
Pour notre ministre de l’Intérieur, fils d’émigré de fraîche date, il n’est pas bon être étranger. Chaque semaine, de nouveaux charters s’envolent à tire-d’aile pour évacuer Africains, Maghrébins, Skri-lankais et autres sujets à peau bronzée. Pour l’adepte du Karcher, qu’importe si ceux qui restent vivent avec leurs enfants dans la terreur, dans l’an-goisse d’une rafle et à la merci d’employeurs indélicats. Nous attendons l’aurore d’une nouvelle Résistance. Quelques Français se sont déjà levés. Ils savent que s’ils ne le font pas, ce pourrait être bientôt leur tour. Ça l’est déjà.

Né à Montreuil le 4 février 1937 et demeurant depuis trois ans à Bagnolet dans le 93, je me dois de porter à l’attention de mes concitoyens les faits suivants, dont j’ai été témoin et victime : Le Mardi 11 octobre, j’ai été mis au courant par des voisins de l’expulsion des familles ivoiriennes habitant 2, passage du Gazomètre à Montreuil.
Ma femme et moi, nous sommes rendus immédiatement sur les lieux pour leur porter assistance. Il a été décidé avec les familles et les personnes solidaires d’aller occuper la Maison de quartier Lounes Matoub, 4-6, place de la République à Montreuil, pour abriter les familles et les enfants ainsi que leurs affaires et ainsi interpeller la Mairie de Montreuil sur la nécessité de leur relogement.
Un grand mouvement de solidarité s’est déployé de la part des habitants de la commune et des environs. Dans l’après-midi, un membre du cabinet du Maire est venu à la rencontre des familles, leur proposant 3 jours d’hébergement en hôtels sur le département ou dans d’autres banlieues lointaines.
Alors que leurs enfants sont scolarisés sur Montreuil. Les familles ont refusé la proposition estimant que leur situation resterait précaire. Le représentant de la mairie les a très clairement menacés d’une intervention policière afin de nous évacuer. Dans cette éventualité, les familles et les soutiens ont décidé de se barricader dans la salle d’activité de la Maison de quartier. L’intervention commença vers 20 heures quand, à coup de bélier, les CRS défoncèrent la porte.
Alors que nous nous tenions un peu en retrait en scandant des slogans contre les expulsions, ils nous encerclèrent et, après avoir renversé, jeté en l’air les sacs des familles, les tables du Centre et la nourriture qui s’y trouvait, ils ont commencé à nous repousser vers la sortie. Inquiets pour les femmes et les enfants qui s’étaient réfugiés dans la cuisine, porte fermée, nous avons résisté sans violence en nous mettant en chaîne afin d’être témoin de leur sort, vu la violence de l’intervention. En vain. J’ai été projeté à terre et piétiné.
J’ai eu beaucoup de mal à me relever. Pour activer le mouvement, un CRS a levé sa matraque, mais un gradé lui a fait signe de ne pas frapper. Il m’a dit : “ Ça va, Monsieur ? ” puis il m’a pris par le bras et m’a dirigé vers la porte tandis que mes compagnons étaient évacués très brutalement vers la cour, les uns après les autres ou par petits groupes.
Je me trouvais isolé et un des derniers. J’ai été poussé dans la cour entre deux rangs de CRS. À mi-distance de la grille, j’ai essayé de parler au commissaire que j’avais vu le matin procéder à l’évacuation du passage du Gazomètre pour lui rappeler la présence d’enfants dans le local. Il m’a dit : “ C’est ça, c’est ça… Dégage ! ”
J’ai aussitôt tourné les talons, c’est alors que j’ai reçu un coup de poing sur le nez et un violent coup de matraque sur le côté gauche de la tête. Je suis tombé à la renverse sur des grilles renversées. On m’a relevé, la tête en sang et j’ai dû perdre momentanément conscience. J’ai été soutenu par deux personnes qui m’ont emmené m’asseoir au café le plus proche où l’on a épongé le sang qui m’aveuglait et appelé les pompiers qui m'ont emmené à l'Hôpital de Montreuil avec ma femme.

Premier bilan : une côte cassée, la paupière gauche recousue, fractures du nez et multiples contusions. Tout ça ne serait pas grave. Et pourtant ! Si je porte plainte, les instances du Ministère de l’Intérieur se retourneront contre moi. On pourra prouver que moi, homme à cheveux blancs âgé de 68 ans et invalide à 80 %, j’ai sauvagement agressé d’honnêtes gardiens de la paix dans l’exercice de leur devoir. Un travail comme un autre. Au point que certains d’entre eux bénéficieront probablement d’arrêts de travail pour l’occasion. Pour ma défense, en garantie de moralité, je ne pourrais que faire état de ma douteuse qualité de cinéaste et écrivain, mentionnant, entre autres travaux, ma modeste contribution à Dupont-Lajoie l’un des films qui attira l’attention de mes concitoyens sur la recrudescence du racisme dans la douce France. De toute façon, cel ne pourrait avoir qu’un faible impact : les machines à décerveler étant aux mains du Pouvoir, celui-ci sera vite digéré. Aussi prenez garde. En 1942, après avoir traqué les Juifs, la police française s’en était pris aux autres. En 2005, après les personnes à la peau bronzée, viendra notre tour. Faut-il absolument que la farce sinistre se répète ?
Mais c’est déjà commencé, je crois vous l’avoir montré.

Rappelons-nous toujours les mots du pasteur allemand Niemöller :

Quand on est venu arrêter les juifs, je n'ai rien dit parce que je n'étais pas juif. Quand on est venu arrêter les catholiques, je n'ai rien dit, parce que je n'étais pas catholique. Quand on est venu arrêter les communistes, je n'ai rien dit parce que je n'étais pas communiste. Quand on est venu arrêter les socialistes, je n'ai rien dit parce que je n'étais pas socialiste. Quand on est venu me chercher, il n'y avait plus personne pour me défendre. ”

Jean-Pierre Bastid

3 Comments:

At lundi, 02 janvier, 2006, Blogger Administratrice clé said...

Je tiens à préciser les mots d'une connaissance de jean Pierre Bastid qui écrit :
"Inutile de dire que les médias ont été sollicités, mais que cette histoire n'intéresse personne."

 
At lundi, 02 janvier, 2006, Blogger Administratrice clé said...

Un ami m'a dit qu'il a un copain qui s'était fait aussi tabasser à cette expulsion (dizaine de points de suture à la
tête, oreille à moitié arrachée, séquelles...)

 
At lundi, 28 septembre, 2020, Blogger DUŠKA ALŽBĚTA said...

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